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Quels sont les leviers de la fiscalité incitative ? L’exemple de la R&D et l’innovation

Pour changer les comportements, les incitations fiscales utilisent de nombreuses approches, choisies selon les contextes et les objectifs recherchés. Elles illustrent la forte capacité d’innovation du législateur. Exemple avec la recherche et l’innovation où quatre approches dominent.

En matière fiscale, le législateur dispose de multiples leviers : l’exonération, l’abattement, le barème progressif, la déduction, la réduction, le crédit d’impôt, les taxes… Cette riche boîte à outils permet d’élaborer différentes équations pour maintenir des recettes fiscales en phase avec le besoin de financements et d’investissements publics et provoquer des changements de comportements. Pour comprendre ces arbitrages tant de la part du ministère des comptes et de l’action publique lorsqu’il rédige le projet de loi de finances que de la part des parlementaires lorsqu’ils présentent des amendements, un secteur illustre bien l’articulation possible entre les dispositions et les motivations : la recherche-développement et l’innovation.

Une étude d’octobre 2021 du cabinet UP CROWN, spécialisé dans la structuration, le financement et la valorisation de la R&D et la propriété industrielle des entreprises, montre que trois leviers majeurs sont utilisés en France : le crédit d’impôt, les abattements et la réduction du taux d’impôt sur les sociétés, auxquels s’ajoute les amortissements accélérés mais non autorisés pour la R&D.

Crédit  : un impact universel 

Contrairement à une déduction ou une réduction d’impôt, qui nécessite de devoir payer l’impôt, le crédit s’applique indifféremment. Les personnes ou les organisations qui ont une somme à régler peuvent la réduire du montant du crédit accordé. Dans le cas où il reste une part du montant de crédit, celui-ci est remboursé. Ce principe s’applique aussi dans le cas où aucun impôt n’est dû. 

D’où un vrai succès auprès du législateur. Ainsi, la Cour des comptes, dans son rapport sur l’exécution du budget, a rappelé « qu’entre 2013 et 2019 le déploiement du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) a expliqué 70% de la hausse du coût total des dépenses fiscales » sur la même période. Au total, sur le budget 2022, les deux plus gros postes de dépenses fiscales sont le CICE et le crédit impôt recherche (CIR) à respectivement 7,035 milliards et 6,520 milliards d’euros. Aucune autre approche ne fait mieux.

De par sa construction, le crédit d’impôt a l’avantage de pouvoir être mis en place très rapidement. Ainsi, pendant la pandémie, le gouvernement en a fait un usage aiguisé, créant temporairement ici où là un crédit d’impôt. Ce fut le cas pour les bailleurs avec l’équivalent du montant des loyers abandonnés auprès des entreprises locataires subissant une fermeture administrative.

Les abattements : des cibles chirurgicales

À l’inverse du crédit d’impôt, les abattements nécessitent d’être soumis à l’impôt et réduisent seulement l’assiette de calcul de l’imposition du bénéficiaire, particulier ou professionnel. Ils visent à lisser l’impact de taxes sur des revenus catégoriels ou de donner un avantage concurrentiel spécifique limité dans le temps et sur une cible de bénéficiaires précise pour tenir compte de charges ou de risques plus élevés que dans une situation classique. C’est le cas du jeune docteur en biologie qui s’installe. Ainsi, ce dernier peut, sur ses premières années d’exercices, déclarer un montant quatre fois supérieur à son coût d’installation dans le cadre du crédit impôt recherche.

Autre exemple d’abattement dédié à l’installation et la pérennité de l’activité : celui qui permet de diviser par deux la valeur locative des locaux dédiés à la recherche industrielle. Elle permet de réduire significativement le montant de la cotisation foncière des entreprises (CFE) et de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB). Toutefois, cet abattement est soumis à la décision de chaque collectivité locale, car les montants non perçus ne seront pas compensés par une dotation de l’État. 

Quand une collectivité fait ce choix, celui-ci bénéficie à toutes les entreprises. Mais ce sont bien celles qui se créent ou sont dans un secteur qui doit nécessairement se transformer pour continuer à se développer qui sont ciblées.

La technique des amortissements exceptionnels ou accélérés

Le troisième levier pour la fiscalité incitative autour de la recherche-développement et l’innovation utilise une technique comptable : les amortissements exceptionnels ou accélérés. Ces derniers correspondent à la valeur de dépréciation année après année, qui est déduite du résultat d’exploitation. La possibilité d’utiliser cette option est contrôlée et validée par l’administration fiscale. Il s’agit de répercuter le montant des investissements réalisés dans un équipement ou un projet par exemple, non pas sur la période légale prévue au plan comptable, mais sur un délai plus court. 

Dans le cas d’une entreprise qui investit 2 millions d’euros dans un robot, l’amortissement va durer 10 ans. Si elle est autorisée à effectuer un amortissement exceptionnel ou accéléré sur 4 ans, cela veut dire qu’elle peut réduire son résultat d’exploitation d’un montant plus élevé et voir son résultat imposable diminué de manière plus impactante.

Cette technique n’est pas autorisée en France. En revanche, elle l’est dans d’autres grands pays comme la Belgique, le Japon ou encore les États-Unis (voir infographie)

IP Box ou comment alléger l’impôt sur les sociétés

Le terme IP Box n’est pas encore entré dans le vocabulaire usuel, contrairement aux appellations de leviers fiscaux. Cela tient à sa jeunesse. Le concept est apparu au début des années 2000 dans de nombreux pays développés, dont la France. Il s’agit d’autoriser une entreprise à appliquer un taux réduit à 10 % sur son impôt sur les sociétés pour les gains réalisés à l’occasion de la cession, sous-cession ou concession de :

  • brevets et certificats d’utilité et certificats complémentaires de protection rattachés à un brevet ;
  • invention d’une PME certifiée par l’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI) ;
  • logiciels protégés par le droit d’auteur ;
  • procédés de fabrication industrielle issus d’une période de recherche ;
  • certificats d’obtention végétale (COV).

Ici, l’IP Box est utilisée pour rendre la cession de propriété industrielle attractive et, en amont, développer la recherche-développement. Toutefois, le dispositif n’a d’intérêt que si l’entreprise cédante est bénéficiaire. Si elle affiche un déficit, elle n’est pas soumise à l’IS et ne peut donc pas profiter du taux réduit. Par ailleurs, avant d’appliquer le taux réduit, l’entreprise doit déposer une demande auprès de l’administration fiscale et attendre l’avis favorable de cette dernière.

Les dispositifs fiscaux pour encourager la recherche et l’innovation ne sont pas propres à la France. Ce sont les mêmes, quel que soit le pays. Il en va de même pour l’ensemble des outils de la fiscalité incitative. Toutefois, les leviers n’ont pas tous le même impact. Ainsi, le crédit d’impôt ou les abattements semblent plus équitables que l’amortissement accéléré ou l’IP Box.