En première ligne dans la mise en place de mesures fiscales incitatives, Lise Magnier, députée de la Marne (Horizons), en témoigne.
Que pensez-vous de la fiscalité incitative ?
Je distingue deux types de fiscalité incitative. D’un côté, il y a celle qui va avoir un impact positif sur le niveau de fiscalité imposé avec un objectif de coup de pouce ou d’incitation à faire. C’est le cas par exemple d’un crédit d’impôt visant à accompagner une démarche positive telle que la haute valeur environnementale pour l’agriculture et la viticulture française. D’un autre côté, il y a celle qui aura plutôt un impact négatif, c’est-à-dire une augmentation d’impôt pour le contribuable, ayant une visée plutôt à ne pas faire, que l’on qualifie souvent de « fiscalité punitive ». À ce titre, je citerai la fiscalité augmentée sur le tabac ou les taxes supplémentaires sur les carburants.
En tout état de cause, il est certain que la fiscalité incitative, lorsqu’elle est pertinente et évaluée, peut constituer un véritable outil au service d’une politique publique, d’un objectif partagé avec nos concitoyens. Pour ma part, je privilégierai toujours la fiscalité comportementale positive à la fiscalité comportementale punitive. L’incitation étant toujours mieux perçue que la sanction par nos concitoyens et le consentement à l’impôt est suffisamment mis à mal actuellement, au sein de la Nation française, pour ne pas l’abîmer encore davantage.
Quels sens et forme lui donnez-vous au sein d’une politique fiscale ?
La fiscalité incitative doit relever d’un objectif clair et pertinent d’une politique précise. Il peut s’agir d’accompagner une politique de transition écologique, avec pour objectif de renouveler une flotte de véhicules polluants ou un objectif de rénovation thermique des bâtiments. Son format doit alors être déterminé selon cet objectif à atteindre et surtout, elle nécessite une évaluation au fil de l’eau de son efficience. Une moindre dépense fiscale ou une moindre recette fiscale doit toujours faire l’objet d’une analyse approfondie, d’un ciblage précis : il s’agira alors de déterminer les bons indicateurs d’évaluation pour faire évoluer autant que de besoin cette fiscalité incitative pour qu’elle atteigne sa cible. Aussi, je suis convaincue de la nécessité de faire évoluer la fiscalité incitative pour qu’elle atteigne effectivement sa cible et son objectif, plutôt qu’une extinction parfois brutale sous couvert d’objectifs non atteints.
Un chèque, une prime… est-ce une fiscalité incitative ?
Un chèque ou une prime ne relèvent pas d’un dispositif fiscal. Ils sont souvent liés au revenu fiscal de référence des ménages, qui détermine le bénéfice ou non de ce chèque ou de cette prime. Mais il ne s’agit pas d’outils fiscaux à proprement parler. L’évolution du Crédit d’Impôt Transition Écologique en MaPrimRénov’ en est une illustration : nous sommes passés d’un outil fiscal à un outil budgétaire au service d’une politique publique et d’un objectif de réduction de la consommation d’énergie dans notre pays.
Est-ce qu’il y a des domaines d’application qui vous semblent plus propices que d’autres ? Pourquoi ?
Deux domaines me paraissent pertinents pour une fiscalité comportementale incitative. Le premier : la transition écologique. L’exemple de la fiscalité incitative sur les biocarburants en est un très bon exemple : le développement du nombre de véhicules roulant aux biocarburants connaît une croissance exponentielle par le caractère très incitatif de la fiscalité pesant sur ces carburants. Il s’agit d’un outil parmi d’autres au service de notre souveraineté nationale et de la réduction des émissions de gaz à effet de serre, comme le crédit d’impôt HVE également pour l’agriculture et la viticulture ou encore le crédit d’impôt pour la rénovation thermique des bâtiments d’entreprises.
Deuxième domaine d’application : l’emploi et la solidarité. Une fiscalité incitative pour l’insertion des personnes les plus éloignées de l’emploi me paraît pertinente, l’allègement de cotisations pour certains types d’emplois (apprentissages, séniors, chômeurs longue durée) est perçu comme un coup de pouce intéressant pour les employeurs et permet souvent de lever un frein à l’embauche pour aboutir à un CDI pleinement fiscalisé et chargé, une fois le salarié inséré professionnellement. De la même façon, la fiscalité incitative pour le financement et le soutien de la solidarité, notamment associative, dans notre pays est un très bel outil fiscal au bénéfice de toute la société.
La fiscalité incitative doit-elle toucher tout le monde ou cibler des publics en particulier ? Sur quels critères ?
La fiscalité incitative et ses bénéficiaires doivent être définis selon les objectifs à atteindre. Le ciblage par catégorie de publics n’est pertinent que si cela permet d’atteindre les objectifs de politique publique.