Toutes les mesures d’incitations fiscales ne rencontrent pas le même succès et n’impactent pas les objectifs fixés de la même manière. Pourquoi ? Nos explications.
« L’efficacité d’une incitation fiscale est difficile à mesurer, relève François Ecalle, ancien magistrat de la Cour des comptes et président de l’association Fipeco. Et puis en France, il n’y a pas suffisamment d’évaluation. » En France, mais beaucoup moins que dans les pays anglo-saxons, il est en effet difficile de savoir ce qui se serait passé si une mesure d’incitation fiscale n’avait pas été prise. Autrement dit, on évalue rarement si in fine l’impact recherché résulte principalement des dispositifs mis en place ou d’un ensemble de phénomènes.
Impact sur les prix
Toutefois, des études partielles ciblées montrent des effets. C’est le cas par exemple de la consommation du tabac ou de l’introduction de la taxe carbone dans les prix des carburants. Ici, les mesures ont visé les prix et un public très large. Là, effectivement, il y a eu un impact sur le niveau de consommation.
Jouer sur l’élasticité prix n’est pas gage de succès. « J’ai en tête des études sur le crédit d’impôt emploi à domicile qui montrent que la mesure incite bien les ménages à employer plus de personnel de maison, mais pas au-delà d’un certain niveau de revenu », illustre l’ancien magistrat de la Cour des comptes. Ici, la limite pourrait se situer au niveau du plafond, qui est sans doute trop élevé, voire crée un effet d’aubaine. Elle vient aussi du profil des bénéficiaires : des ménages relativement aisés qui, de toute façon, embaucheraient du personnel de maison.
Impact sur les investissements
Des mesures peuvent aussi être trop incitatives. Ce fut le cas du crédit d’impôt sur l’installation de panneaux photovoltaïques qui a dû être stoppé par le gouvernement Fillon. La mesure avait créé un fort encouragement et un surcoût pour l’État. « On peut avoir des mesures qui fonctionnent très bien, mais qui coûtent très cher », reconnaît François Ecalle.
La principale condition pour une efficacité de la fiscalité incitative porte sur le ciblage. Par exemple, pour le crédit impôt recherche (CIR), le conseil d’analyse économique (CAE) pointe que les dépenses en recherche & développement n’ont pas atteint l’objectif des 3 % du PIB en se limitant à 2,2 % (données de 2018). La manne serait trop utilisée par les grands groupes et les ETI au détriment des PME et des très petites entreprises où le CIR se révèle beaucoup plus impactant. Pour le CAE, « le “retour sur investissement” du CIR est deux fois plus élevé lorsqu’il est dirigé vers les TPE et PME par rapport aux grandes entreprises ». Ainsi, le CIR profite d’abord aux entreprises ayant déjà décidé d’innover, mais rencontrant des problèmes de financement ou de liquidités.
Communiquer à bon escient
Autrement dit, une incitation fiscale n’a d’effet que si, sans elle, le comportement recherché n’aurait pas eu lieu. Si elle apparaît comme un effet d’aubaine dans le cadre d’une démarche qui aura lieu de toute façon, les objectifs recherchés ne seront pas atteints. Le législateur aurait donc tout intérêt à cibler les acteurs qui permettent d’avoir le meilleur rendement. La zone géographique est un critère qui compte également. Dans les territoires en transformation, l’impact est beaucoup plus important que dans les territoires qui ont achevé leur mutation.
Une dernière condition : la communication. Le législateur aurait intérêt à ne pas survendre une incitation fiscale pour éviter des effets de bords évoqués plus haut. D’autant plus que le système fiscal français est complexe car il évolue en permanence.