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Lutte contre le tabac : quel impact sur les recettes fiscales de la France ?

Depuis 2021, les recettes fiscales des produits de tabac reculent. Est-ce l’amorce d’une tendance structurelle ou un simple effet conjoncturel ? Tour d’horizon.

En 2022, les recettes fiscales issues de la vente de tabac ont reculé de 816 millions d’euros, à 13,4 milliards d’euros, relève la commission des Comptes de la Sécurité sociale. Déjà en 2021, cette même commission constatait une baisse de 123 millions d’euros. C’est donc près d’un milliard d’euros en moins dans les caisses de l’État, à un moment où le ministère des finances cherche par tout moyen à baisser la dépense publique et augmenter les recettes pour réduire les déficits et stabiliser la dette publique.

Un simple réajustement des comportements de consommation ?

En 2020 les taxes liées au tabac avaient atteint un niveau historique à 14,4 milliards d’euros, soit le triple de celles encaissées en 1990, ceci en dépit des fortes augmentations du prix des cigarettes enclenchées dès 2016. L’année 2020 avait aussi pour spécificité la baisse des achats « hors réseau des buralistes », liée aux restrictions de circulation en réponse à la pandémie de COVID-19 : les consommateurs de tabac n’ont pas pu se rendre dans les zones transfrontalières espagnoles ou belges où les prix sont plus bas tandis que la contrebande de tabac était elle aussi contrainte par ces mêmes mesures sanitaires. On notait d’ailleurs en 2020 une forte augmentation des ventes de tabac par les buralistes : l’observatoire Français des Drogues et des Toxicomanies (OFDT) montrait ainsi que les ventes de cigarettes étaient passées de 2,5 millions en mars 2020 à 3,7 millions en juillet 2020.

Aussi, rien n’interdit de penser que la baisse constatée sur les deux dernières années soit le résultat d’un retour à la « normale » des comportements d’achats hors réseau, qu’ils soient transfrontaliers ou auprès de vendeurs de produits de contrebande ou de contrefaçon, qui représenteraient près du ¼ de la consommation totale réelle de tabac en France.

Le seuil des rendements marginaux décroissants

Une autre explication est liée au niveau de fiscalité lui-même et donc au prix de vente. Entre 2014 et 2017, la fiscalité n’a pas bougé et la consommation est restée stable : 44 millions de paquets de 20 cigarettes vendus. À partir de 2017, le nouveau gouvernement entame une hausse importante de la fiscalité de sorte qu’elle pèse désormais 86 % du prix payé. Ainsi, entre 2017 et 2021, le paquet le plus vendu est passé de 7 à 10,50 euros. Dans le même temps, les achats ont diminué de 32 % à 33,480 millions de paquets.

L’impact des prix sur la consommation de tabac n’est pas proportionnel. Entre 2000 et 2021, les prix ont plus que triplé, mais la consommation n’a reculé que de 2,5 fois. Il existe donc une relative élasticité prix. Celle-ci est estimée à 0,3.

En 2023, la baisse des ventes devrait se poursuivre puisque le prix d’un paquet va dépasser la barre symbolique de 11 euros, non seulement en raison de la hausse de l’accise fiscale (voir tableau), mais aussi par répercussion de l’inflation dans les prix. Ce double phénomène pourrait encourager de nombreux arrêts de fumeurs et accélérer encore l’achat de produits de contrefaçon ou de contrebande, hors réseau des buralistes.

Dès lors, si les recettes fiscales reculent à nouveau, il sera possible d’affirmer que la politique fiscale du tabac a dépassé son seuil optimal et que l’on entre dans la fameuse pente de la courbe des rendements décroissants théorisée par l’économiste Arthur Laffer.

Ainsi, cela signifie que l’augmentation des taxes ne compensera plus le recul de la consommation et que chaque augmentation de prix induira une baisse des rentrées fiscales. Nous entrerions alors dans un nouveau paradigme où les intérêts du Ministère des finances seraient en totale opposition avec ceux du Ministère de la santé.

La courbe de Laffer, la représentation du taux optimal d’imposition.

La courbe de Laffer met en lumière le lien entre le taux d’imposition et les recettes fiscales totales, avec la recherche d’un taux optimal pour maximiser les recettes fiscales.
Cette courbe montre deux choses : trop d’impôts vont, à un instant T, faire diminuer les recettes fiscales, mais lorsque que ces impôts seront diminués, ils stimuleront les incitations économiques et feront augmenter les recettes fiscales.