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L’écofiscalité en France, des objectifs variés

De nombreux travaux se sont attachés à recenser les instruments fiscaux « environnementaux » afin de dresser un panorama le plus exhaustif possible de la fiscalité environnementale en France, retenant souvent un périmètre assez large, c’est-à-dire à la fois fondé sur une assiette au sens extensif et sur l’ensemble des instruments fiscaux, dépenses fiscales comprises.

L’inventaire des différentes mesures recense, pour l’année 2018, 46 instruments fiscaux, dont 32 au sein du périmètre défini par Eurostat et 14 en dehors de ce champ, mais dont la finalité est écologique ou dont l’objet se rattache à une des quatre catégories d’assiette définies par Eurostat comme environnementales. Parmi ces 46 instruments, seuls dix représentent un enjeu financier supérieur au milliard d’euros en 2017, et 15 un enjeu financier inférieur à 100 M€ [voir tableau].
Cette approche large va donc au-delà de la seule fiscalité officiellement prévue pour lutter contre la pollution, comme la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), et intègre des dispositifs dont la finalité première est le financement des services publics tout en ayant aussi comme effet de contribuer à limiter la pollution. C’est notamment le cas de la taxe intérieure sur la consommation de produits énergétiques (TICPE) et des divers dispositifs fiscaux permettant de préserver la biodiversité, de réduire l’utilisation de matières ou la production de déchets dans une optique d’économie circulaire.

Une fiscalité riche en constante évolution

Au cours des dernières années, la fiscalité environnementale en France a profondément évolué pour soutenir la transition écologique et la lutte contre le réchauffement climatique, en favorisant les économies d’énergie et les énergies les moins émettrices de gaz à effet de serre (GES). Une des évolutions les plus emblématiques concerne l’intégration d’une composante carbone dans les taxes sur les énergies fossiles depuis 2014, ce qui a permis d’établir un « prix du carbone », en complément du marché européen d’échange de quotas d’émissions de dioxyde de carbone (CO2).
Ce prix du carbone, proportionnel au niveau de CO2 émis par la combustion des combustibles et carburants fossiles, constitue ainsi un levier pour orienter les décisions des agents économiques vers des solutions bas carbone et lutter contre le réchauffement climatique. Fin 2017, la trajectoire initialement prévue a d’ailleurs été rehaussée et fixée jusqu’en 2022 : de 44,60 euros par tonne de CO2 en 2018, elle devrait atteindre 86,20 euros par tonne de CO2 en 2022.
Les premières taxes à finalité environnementale sont apparues dans les années 1960. Elles avaient pour principal objectif de financer une politique environnementale spécifique (redevance sur l’eau, taxe sur les constructions dans les espaces naturels sensibles, etc.). Mais il faudra attendre 1998 pour voir la création de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) à laquelle est assujettie toute entreprise fabriquant, important ou introduisant des produits polluants.
Cette première étape vers une forme de fiscalité environnementale d’ensemble reposait sur le regroupement de plusieurs dispositifs préexistants. La TGAP est en effet le résultat de l’agglomération de plusieurs assiettes fiscales environnementales dont la taxe parafiscale sur les huiles de base, la taxe parafiscale sur les pollutions atmosphériques, la taxe sur le bruit (remplacée en 2005 par une taxe sur les nuisances sonores aériennes), la taxe sur le stockage des déchets et la taxe sur les installations de stockage et d’élimination de déchets industriels spéciaux. Ce mouvement d’élargissement de la TGAP s’est poursuivi après sa création pour tenir compte de nouvelles activités ou substances jugées nocives pour l’environnement.

Les années 2000, période de consolidation

La Charte de l’environnement de 2005, reconnue de valeur constitutionnelle en 2008, a par ailleurs consacré le principe du « pollueur-payeur » et les droits en matière environnementale. Elle prévoit ainsi que « chacun doit contribuer à la préservation et à l’amélioration de l’environnement et, le cas échéant, contribuer à la réparation des dommages causés ».

La prise de conscience s’est encore accentuée avec le Grenelle de l’environnement de 2007 qui a lancé la réflexion française sur les instruments de fiscalité environnementale. La « loi Grenelle I » de 2009 a repris les engagements du Grenelle, précisant certaines des orientations et donnant des estimations budgétaires.

Mais si les objectifs du Grenelle se sont avérés ambitieux, beaucoup n’ont pas été réalisés. Ainsi la loi Grenelle I prévoyait la création d’une écotaxe poids lourds qui sera finalement abandonnée en 2014. Par ailleurs, la loi Grenelle II donnait la possibilité aux agglomérations de plus de 300 000 habitants d’instaurer des péages urbains, à titre expérimental et pour une durée de trois ans. Aucune ville n’a mis en place à ce jour une telle expérimentation.

La loi d’août 2015, relative à la transition énergétique pour la croissance verte, n’a comporté aucune mesure fiscale majeure mais a repris la trajectoire carbone définie en loi de finances pour 2014 avec une cible de 100 € pour la tonne carbone à l’horizon 2030. Quant à la loi d’août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, elle a inscrit dans le droit le principe de non-régression, qui peut avoir une incidence en fiscalité, bien que limitée. Selon ce principe, la protection de l’environnement ne peut faire l’objet dans les textes que d’une amélioration.

Plusieurs taxes ont également fait l’objet de réformes visant à intégrer dans leur assiette des facteurs environnementaux (verdissements) tels que les émissions de GES, en particulier dans le cas de la composante carbone des taxes intérieures de consommation. L’instauration d’une contribution climat-énergie (CCE), sous la forme d’une taxation du carbone dans trois des quatre taxes intérieures de consommation en 2014, constitue le principal verdissement de la fiscalité nationale de ces dernières années, en incluant une tarification sous-jacente des émissions de CO2. Celui-ci s’est traduit initialement par l’introduction d’une composante carbone de 7 € la tonne de CO2 au sein de la TIPCE, de la TICGN [Taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel] et de la TICC [Taxe intérieure de consommation sur le charbon].

Depuis le 1er avril 2014, la CCE est intégrée dans la TICPE. Elle s’élève à 44,60 € par tonne de CO2 émise en 2018, et devait s’élever à 55 €/t CO2 en 2019, avant décision de gel de la trajectoire annoncée début décembre 2018 et confirmée en loi de finances initiale pour 2019.

L’instauration de la CCE se cumule avec la mise en place d’une mesure de convergence de la fiscalité frappant le gazole avec celle de l’essence, qui devait aboutir en 2021. Elle a également été suspendue en 2019. Au total, l’intérêt de ces réformes de « verdissement » apparaît encore assez flou dès lors qu’elles semblent donner une finalité juste écologique à des instruments dont l’objectif de rendement n’est pas exclu (cas de la TICPE).