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La fiscalité peut-elle être au service de l’écologie ?

Les entreprises, les ménages et le secteur public, lorsqu’ils achètent, vendent ou fixent un prix, n’intègrent pas naturellement le coût des nuisances qu’ils causent à l’environnement, et très peu la pénurie future des énergies et des matières premières.
La fiscalité environnementale vise donc à intégrer dans le coût supporté par chaque
acteur économique les coûts sociaux et environnementaux qu’il occasionne afin
d’obtenir un changement des comportements. Avec quel succès ?

L’écofiscalité peut apparaître comme un moyen de modifier les comportements dans un sens plus favorable à l’environnement, et de stimuler l’innovation (produits et procédés de fabrication moins polluants). Ce recours à la fiscalité environnementale est aussi justifié par le principe du « pollueur-payeur ».

Ainsi, via leur contribution fiscale, les pollueurs participent en effet au financement des mesures de prévention, de réduction et de lutte contre la pollution. À noter qu’il existe également des dépenses fiscales favorables ou défavorables à l’environnement.

Évolution des émissions françaises de gaz à effet de serre depuis 1990 et objectifs des budgets carbone
Répartition de la fiscalité environnementale par catégorie d’assiette et par instrument fiscal – périmètre Eurostat (2016)
Une fiscalité injuste

Le renforcement continu des objectifs climatiques de la France a justifié un recours toujours plus grand à la fiscalité carbone afin d’inciter les ménages et les entreprises à modifier leurs comportements. En 2019, un rapport du ministère de l’Économie et des Finances indiquait que les ménages français avaient acquitté en moyenne 915 euros de fiscalité énergétique pour leur logement et leur véhicule.

Il pointait alors du doigt le caractère inégalitaire de ces taxes qui représentent un effort de 4,5 % des revenus pour les 20 % des Français les plus modestes, contre 1,3 % pour les plus aisés. Autrement dit, la taxe carbone pèse proportionnellement plus sur les ménages modestes, ruraux et périurbains – donc souvent loin des grands centres-villes –, ce qui fragilise son acceptabilité.

Dans le détail, la part des dépenses d’énergie des ménages liées au logement ou au transport dans leur budget global est d’environ 3 %. Elle reste plutôt stable sur une longue période. Depuis 1990, les dépenses consacrées par les ménages à l’achat de carburant ont augmenté moins rapidement que leur pouvoir d’achat.

En parallèle, il est apparu que la hausse des prix des carburants à la pompe résultait moins de la fiscalité que des prix mondiaux du pétrole. La part des taxes dans le prix à la pompe du gazole est passée de 80 % en 1995 à 63 % en 2018, dont environ 8 % pour la composante carbone. Reste que le poids de la fiscalité sur les énergies fossiles dans le budget des ménages dépend aussi des pratiques de déplacement et des modes de chauffage.

Des effets sur les entreprises très variables selon les secteurs

Les entreprises représentent 61 % des émissions nationales de gaz à effet de serre et acquittent 36 % du produit de la fiscalité sur les énergies fossiles. Une partie des émissions des entreprises sont d’ailleurs soumises au marché européen de quotas (SEQE) dont le cours se situe à un niveau plus faible que le prix du carbone résultant de la fiscalité énergétique et qui ne figurent pas dans l’assiette de la fiscalité carbone.

Par ailleurs, certains secteurs exposés à la concurrence internationale bénéficient de dispositifs d’exonération. Le niveau de tarification effective du carbone résulte donc à la fois de l’instrument économique mobilisé (taxe ou marché de quotas), du produit énergétique consommé et du niveau de la fiscalité qui y est associée, ainsi que des exonérations ou réductions de taxes. La combinaison de l’ensemble de ces facteurs aboutit à un niveau de tarification très hétérogène par secteur, comme par type d’énergie fossile.

Le secteur des transports supporte le niveau de tarification du carbone le plus élevé (204,60 €/tCO2), en raison du poids de la fiscalité des carburants et de l’importance des effets négatifs pour l’environnement. Ce coût est quatre fois plus élevé que dans le secteur tertiaire, neuf fois plus élevé que pour l’industrie et 15 fois plus élevé que pour l’agriculture.

Écofiscalité, un outil efficace mais pas optimal

Concrètement, les résultats sont bel et bien là. Les taxes sur les énergies fossiles ont amené à une nette réduction de leur consommation en France, mais également dans le reste de l’Europe. Autre élément de satisfaction, la tarification incitative des déchets – visant à faire payer l’enlèvement des déchets en fonction du poids réel de ces derniers – a permis de réduire de 30 % le volume des ordures ménagères non recyclables là où elle a été mise en œuvre.

On aurait pu penser que les recettes seraient utilisées à des fins environnementales, mais celles-ci se retrouvent souvent affectées à la réduction du déficit public, redistribuées aux entreprises ou aux ménages les plus modestes, ou servent à la réduction d’autres impôts. Une partie seulement est en réalité employée dans des perspectives de politique publique environnementale.

Évolution de la fiscalité et des prix du gazole et de l’essence sans plomb 95 (2006-2018)