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En France, la fiscalité sur le tabac prend un virage vers l’approche anglo-saxonne

Les débats parlementaires autour de l’article 8 du projet de loi de financement de la Sécurité sociale élargissent la lutte du tabac à l’ensemble des produits utilisant de la nicotine. Ce glissement vers tout vecteur dispensant de la nicotine va au-delà de la simple sémantique s’inspirant d’une approche des addictions venus d’outre-atlantique.

Chaque année, l’étude du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) est l’occasion de débattre de l’impact réel des dispositions antitabac. 2023 n’a pas dérogé à la règle. En optant pour une harmonisation de la fiscalité sur les différents produits du tabac et leurs alternatives, les parlementaires et le gouvernement ont visé non plus la consommation du tabac, mais l’usage de la nicotine. Trois types de produits sont ciblés : les produits composés totalement ou partiellement de tabac, les nouveaux produits à base de tabac chauffé, les produits issus du vapotage et les produits à fumer à base de plantes autres que le tabac. Ce qui explique l’apparition d’une fiscalité sur le tabac à chauffer et des interrogations concernant le CBD.

Royaume-Uni : priorité aux restrictions dans les usages

Cette évolution de la fiscalité française s’inspire d’expériences anglo-saxonnes réussies. Et à commencer par celle du Royaume-Uni, qui applique cette politique globale depuis 2007 et touche tous les produits pouvant contenir de la nicotine.
Concrètement, la loi britannique prévoit des taxes qui augmentent régulièrement, des paquets neutres avec des avertissements « fumer tue » sur les emballages, une interdiction des publicités et des campagnes marketing, des dispositifs d’accompagnement à l’arrêt de la consommation, et bien sûr l’indication de fumer sur les lieux collectifs et de travail. Ce que fait aussi la France, mais seulement sur les produits du tabac et non pas tous ceux contenant de la nicotine.

Or, si le prix des cigarettes reste attractif outre-Manche, selon un rapport de 2019 de l’association des Ligues contre le cancer européennes la politique britannique obtient les meilleures évaluations. D’ailleurs, en juin 2022, un rapport remis au gouvernement londonien fixait l’objectif d’arriver à un pays sans tabac à l’horizon de 2030. Et pour cela, de nouvelles mesures fortes ont été discutées. Si l’interdiction de fumer dans une voiture en présence d’un enfant est déjà en place depuis plusieurs années, il est envisagé de fixer un âge légal minimum pour fumer ou encore de réduire les lieux de vente en ne permettant plus aux supermarchés de vendre les produits incriminés. Autant de thèmes pour lesquels le débat n’a pas encore eu lieu en France, même si ses choix la placent juste derrière le Royaume-Uni dans les évaluations de sa lutte contre le tabagisme.

États-Unis : haro sur la nicotine

Parmi les mesures ciblées que la France n’a pas encore retenues, il y a la réduction de la présence de la nicotine. Outre-Atlantique, le sujet est déjà sur la table. Après avoir appliqué des mesures identiques à celles prises par le Royaume-Uni et plus récemment par la France, les autorités réfléchissent à fixer un seuil maximum de nicotine contenue dans les produits. L’agence américaine responsable des produits du tabac (FDA) souhaite fixer ce seuil à un niveau suffisamment bas pour enrayer le phénomène de dépendance qu’entraîne sa consommation. En effet, elle observe qu’un fumeur sur deux échoue à arrêter de fumer en raison de son addiction à la nicotine. Pour être concret, le taux de nicotine actuel est à 12,5 % et la FDA prévoit de l’abaisser à 1,4 % d’ici 2100.

Ce délai permet d’accompagner cette évolution par des dispositions fiscales contraignantes. Il s’agit en particulier de décourager les personnes à faibles revenus, en particulier les jeunes. En réduisant leur addiction, la consommation régulière de tabac ou d’un produit alternatif devrait singulièrement diminuer. Pour obtenir des résultats en ce sens, aucun produit du tabac ou alternatif ne doit bénéficier d’un avantage comparatif par rapport aux autres produits. Les parlementaires en France ont commencé à faire ce travail, mais les écarts de fiscalité et de prix ne sont pas tous éliminés.