Fiscalité comportementale et lutte contre le tabac : le prix comme levier de santé publique
La fiscalité comportementale est un outil stratégique pour réduire les comportements nocifs. Dans le cas du tabac, elle a montré des résultats prometteurs, mais suscite encore des débats. En France, 73 000 décès prématurés sont liés au tabac chaque année. Son coût économique et social est colossal. Pour réduire la consommation, les pouvoirs publics misent sur des hausses significatives des prix.
Une stratégie efficace, mais à renforcer
L’idée est simple : augmenter le prix des cigarettes grâce aux taxes pour en limiter l’accessibilité. Cela incite les fumeurs à réduire leur consommation ou à arrêter. Selon un rapport de la commission des Affaires sociales du Sénat, une hausse de 5 % par an pourrait porter le prix du paquet à 25 euros d’ici 2040. Les données montrent qu’une augmentation de plus de 4 % diminue la prévalence du tabagisme.
Des exemples internationaux appuient cette approche. En Australie, où un paquet dépasse 25 dollars australiens (environ 15 euros), le taux de fumeurs adultes est inférieur à 12 %. Ces résultats confirment que le prix influence le comportement des consommateurs. Les jeunes et les ménages à faibles revenus y sont particulièrement sensibles.
Des bénéfices sanitaires et fiscaux
En France, le tabac génère 15 milliards d’euros de recettes fiscales chaque année. Toutefois, les maladies qu’il engendre coûtent 26 milliards d’euros par an au système de santé. La fiscalité comportementale vise donc un double objectif : réduire l’impact sanitaire et financer la prévention ainsi que l’aide au sevrage.
D’autres mesures ont contribué à la baisse du tabagisme, comme le Mois sans tabac ou l’interdiction de fumer dans les lieux publics. Pourtant, un quart des adultes français fume encore. Ce chiffre stagne, illustrant les limites des politiques actuelles.
Les défis liés à l’augmentation des prix
Le risque du marché parallèle
L’un des principaux arguments contre une hausse des prix est l’essor du marché noir et des achats transfrontaliers. En Belgique et en Espagne, où le tabac est moins cher, ces pratiques se sont intensifiées.
Cependant, le rapport sénatorial relativise ce risque. Les études des industriels sur la contrebande sont souvent contestées pour leur méthodologie. En réalité, la hausse du marché parallèle reste limitée et ne compromet pas l’efficacité des hausses tarifaires.
Un impact social à prendre en compte
L’augmentation du prix du tabac est perçue comme une mesure régressive. Elle touche davantage les ménages à faibles revenus, qui fument proportionnellement plus et consacrent une part importante de leur budget au tabac. Pour atténuer cet effet, les experts recommandent d’accompagner ces hausses avec des aides au sevrage. Parmi elles : un remboursement élargi des substituts nicotiniques et des campagnes d’accompagnement renforcées.
Un levier incontournable pour l’avenir
L’augmentation progressive du prix du tabac reste une solution efficace, mais elle doit s’intégrer dans une stratégie globale. Les décideurs doivent trouver un équilibre entre santé publique, acceptabilité sociale et lutte contre le marché parallèle. Une approche cohérente, associée à des campagnes éducatives et un soutien accru au sevrage, pourrait faire de cette fiscalité un outil clé pour réduire durablement le tabagisme en France.
Sources :
Le Figaro – 10/05/2025 https://www.lefigaro.fr/social/vers-un-paquet-de-cigarettes-a-plus-de-20-euros-pour-preserver-la-sante-des-francais-20240530
Les Echos – 07/02/2024 https://www.lesechos.fr/economie-france/budget-fiscalite/tabac-le-senat-veut-porter-le-prix-du-paquet-de-cigarettes-a-20-euros-dici-dix-ans-2098185
Capital – 30/05/2025 https://www.capital.fr/economie-politique/tabac-le-prix-du-paquet-de-cigarettes-pourrait-il-passer-a-25-euros-1497486