L’alcool : seconde cause de mortalité prématurée en France
Au-delà des conséquences sur la santé publique, l’addiction à l’alcool ou aux autres types de drogues a des conséquences sociales importantes, notamment en matière de risque de perte d’emploi. Travailler à réduire les consommations permet de prévenir les problèmes sanitaires, sociaux et professionnels.
Bien que la consommation d’alcool diminue régulièrement en France depuis une quarantaine d’années, 10 % des adultes sont aujourd’hui en situation de dépendance à l’alcool et en boivent quotidiennement (15,2 % des hommes et 5,1 % des femmes). Or, une consommation abusive entraîne des complications hépatiques, cardiovasculaires, neurologiques ainsi que des cancers. L’alcool est la seconde cause de mortalité prématurée en France.
En 2006, les tribunaux ont prononcé plus de 271 condamnations pour homicide involontaire sous emprise de l’alcool. Dans 28 % des cas de violences conjugales enregistrées en région parisienne, l’auteur consommait régulièrement des quantités excessives d’alcool. En 2013, 111 550 condamnations pour conduite en état alcoolique ont été inscrites au Casier judiciaire national, soit une condamnation sur cinq pour délit en France. On notera enfin que même consommé en quantité quotidienne faible, équivalente à 13 grammes (soit 1,3 verre), l’alcool serait encore responsable de 1 100 morts par an. Pour rappel, un verre de bière (250–300 ml), un verre de vin (150 ml) et une mesure de spiritueux (30–50 ml) contiennent une quantité quasi équivalente d’alcool (environ 10 g d’éthanol). L’enjeu majeur est donc de repérer le plus tôt possible les consommateurs à risque et de réduire leur consommation.
Les moins de 35 ans en première ligne
Selon des données datant de 2019 recueillies et analysées par la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca) en partenariat avec l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), les générations les plus jeunes sont sujettes à la pratique du “binge drinking”, qui consiste à atteindre l’ivresse le plus vite possible. Les générations plus âgées, elles, sont plutôt enclines aux consommations chroniques excessives d’alcool. À noter que plusieurs études épidémiologiques tendent à montrer que la pratique du “binge drinking” dans sa jeunesse accroît notablement le risque de dépendance à l’alcool à l’âge adulte.
La Mission a également constaté que les conditions socio-démographiques plus favorisées protègent mieux contre l’usage à risque de l’alcool chez les hommes, mais pas chez les femmes. Dans le détail, la Mildeca a établi que plus de 24 % des hommes ont une consommation abusive d’alcool, dont 4 % seraient dépendants (chez les femmes, 9 % d’entre elles ont un comportement à risque avec l’alcool et plus de 1 % seraient dépendantes). Dans la mesure où il s’agit de prévalence en population générale, ces chiffres représentent donc un nombre considérable d’individus. Les moins de 35 ans sont par ailleurs les plus concernés par les problématiques d’addiction liées à l’alcool. Enfin, les experts de la mission ont constaté que plus la consommation d’alcool augmente, plus l’usage du tabac et du cannabis a tendance à croître également, notamment chez les jeunes.
Une dépendance variable selon les individus
Rappelons que toute consommation supérieure à trois verres de boisson alcoolisée par jour pour les hommes et deux pour les femmes est considérée à risque, même en l’absence de symptômes de dépendance. La dépendance elle-même est d’ailleurs variable d’un individu à l’autre : des facteurs génétiques, comportementaux (impulsivité, consommation précoce, etc.) et environnementaux interviennent en effet à des degrés divers selon les personnes. Des travaux récents indiquent également que l’exposition à l’alcool à un stade précoce du développement (à l’adolescence, voire in utero) augmente le risque de devenir dépendant. Enfin, l’environnement – facteurs sociaux, familiaux ou encore l’accès à cette drogue (prix, disponibilité, publicité, etc.) – a un impact important.
De lourdes conséquences sociales
D’après les chiffres issus des résultats de la cohorte “Constances”, qui constitue la plus grande cohorte épidémiologique réalisée en France ces dernières années, il apparaît clairement que le fait d’être un actif, donc d’avoir un emploi, s’avère protecteur vis-à-vis d’un grand nombre d’addictions. A l’inverse, la consommation de tabac, de cannabis et d’alcool augmente le risque de perte d’emploi à court terme (un an) et donc l’instabilité professionnelle. Dans le détail, plus l’intensité de la consommation augmente, plus ce risque de perte d’emploi est élevé. Ainsi, pour des personnes ayant une dépendance probable à l’alcool, ce risque de perte d’emploi dans l’année est multiplié par deux et même par trois dans le cas d’une consommation quotidienne de cannabis. Les conséquences sociales de la consommation excessive d’alcool peuvent donc s’avérer particulièrement lourdes.
Alcool, tabac et cannabis font recette
En 2019, selon l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), il y avait en France quelque 47 millions de consommateurs d’alcool chez les 11-75 ans, dont 43 millions d’usagers dans l’année, 9 millions d’usagers réguliers et 5 millions d’usagers quotidien. En regard, on trouvait sur la même période 36 millions de consommateurs de tabac, dont 15 millions d’usagers dans l’année et 13 millions d’usagers quotidiens. Enfin, ils étaient 18 millions à consommer du cannabis en 2019, dont 5 millions d’usagers dans l’année, 1,5 millions d’usagers réguliers et 900 000 usagers quotidiens.