De 2012 à 2016, la France a appliqué une fiscalité spécifique aux produits cosmétiques. Retour sur les raisons de sa mise en place et de son arrêt.
Parmi les nombreuses taxes votées par le Parlement, il y a celles qui durent et celles qui ne font que passer. C’est le cas de la taxe sur les cosmétiques. Elle a été instituée par la loi de finances 2012. Chaque année, les fabricants et importateurs de cosmétiques devaient s’acquitter d’un prélèvement de 0,1 % sur leur chiffre d’affaires annuel au profit de la Caisse nationale de l’assurance maladie. Au bout de quatre années, le Parlement vote l’abrogation du dispositif. À l’époque, la Fédération des Entreprises de la Beauté (FEBEA) réagissait ainsi : « Cette disposition fiscale n’avait aucune justification économique et ne rapportait guère plus que ce qu’elle coûtait à percevoir. » En l’occurrence, là où plus de 10 millions d’euros étaient attendus initialement, ce sont à peine 6 millions qui ont été perçus.
Financer la cosmétovigilance
L’échec de la taxe sur les cosmétiques s’explique par plusieurs phénomènes. Le premier point : l’objectif de la taxe n’était pas de modérer ou d’orienter des comportements de consommation, mais de financer la Sécurité sociale. Pourtant, en 2010, lorsque la création de cette taxe avait été envisagée, elle devait financer la cosmétovigilance. Un amendement au Sénat avait été adopté pour créer cette taxe afin de donner une ressource financière à la surveillance des éventuels effets indésirables des produits cosmétiques sur la santé. Si cette tâche revient à chaque acteur, les pouvoirs publics, à travers l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS), doivent pouvoir mener aussi cette surveillance.
L’amendement ne dépasse pas l’hémicycle du Palais du Luxembourg et l’AFSSAPS devient l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé) dont le financement est assuré directement par le budget de l’État. Lorsque la taxe sur les produits cosmétiques est votée fin 2011, la cosmétovigilance n’est donc plus la bénéficiaire. Ce qui enlève immédiatement le sens de cette taxe.
Un échec sur fond de lourdeur administrative
Deuxième point : la taxe est mal perçue par les professionnels du secteur. Contrairement aux modalités de 2010 qui envisageaient un seuil déclencheur de 763 000 euros de ventes, la taxe mise en œuvre début 2012 est due dès le premier euro de chiffre d’affaires. Ce qui a occasionné une « lourdeur administrative aberrante » selon la FEBEA. Chaque entreprise devait remplir une déclaration des ventes détaillée.
Dernier point : la taxe n’a pas rapporté les 10 millions d’euros estimés, mais seulement 6 millions d’euros. Outre ces maigres recettes fiscales, ce sont les consommateurs qui ont réglé le surcoût sans vraiment savoir ce qu’ils payaient. À la faveur d’une procédure visant à annuler les « petites taxes », la loi de finances de 2016 a mis un terme à cette courte expérience. Cette dernière illustre tous les pièges d’une fiscalité qui se crée avec un objectif précis et qui le perd en route, sans qu’on lui en détermine un nouveau. Par ailleurs, la finalité, le financement de la cosmétovigilance, n’était ni assez visible ni assez compréhensible pour le grand public. Dès sa mise en œuvre, tout semblait donc réuni pour que cette taxe échoue.