La taxe sur le sucre en Nouvelle-Calédonie : une initiative ambitieuse pour une transformation sanitaire durable
En mai 2024, la Nouvelle-Calédonie a adopté une taxe ciblée sur les produits sucrés. Cette mesure s’inscrit dans une stratégie de fiscalité comportementale et vise à lutter contre les maladies liées à la surconsommation de sucre. Avec des taux alarmants d’obésité et de diabète, cette initiative reflète une volonté politique forte de protéger la santé publique. Pour garantir son succès, il est toutefois nécessaire d’évaluer ses impacts et d’envisager des améliorations.
Une réponse à une crise sanitaire alarmante
Deux Calédoniens sur trois sont en surcharge pondérale, et un tiers souffre d’obésité. Le diabète touche 10 % des adultes. Chez les enfants, 40 % des jeunes de 12 ans sont en surpoids, dont 18 % en obésité sévère. Ces chiffres, bien supérieurs à la moyenne française, appellent une intervention rapide et ciblée.
La taxe s’applique à une large gamme de produits contenant plus de 5 grammes de sucre pour 100 grammes ou millilitres. Elle concerne les boissons sucrées, glaces, confiseries, sauces préparées et pâtisseries industrielles. L’objectif est de réduire la consommation de sucre en augmentant les prix. Elle vise aussi à inciter les industriels à reformuler leurs produits.
Une fiscalité comportementale entre espoirs et critiques
Des ambitions de santé publique claires
Cette taxe ne se limite pas à son rôle dissuasif. Les 1,5 milliard de francs CFP attendus chaque année financeront des programmes de prévention contre le diabète et l’obésité. Ils incluront aussi des actions éducatives dans les écoles. Par exemple, des « cooking classes », inspirées du Pacifique, visent à sensibiliser les jeunes à une alimentation équilibrée.
Des limites structurelles et sociales
Les critiques concernant les taxes comportementales refont surface. Les ménages modestes, qui achètent davantage de produits bon marché, sont plus touchés par la hausse des prix. Sans mesures compensatoires, comme des chèques alimentaires pour des produits sains, cette taxe pourrait aggraver les inégalités.
Par ailleurs, l’efficacité de cette mesure pour réduire l’obésité et le diabète reste incertaine. Des études internationales montrent que si la consommation des produits ciblés diminue, certains consommateurs se tournent vers d’autres aliments problématiques, comme ceux riches en graisses ou en sodium.
Un cadre d’application encore à perfectionner
Des ajustements laborieux
L’adoption de cette taxe a été ralentie par des négociations avec les industriels locaux. Ces derniers craignaient un impact négatif sur leur compétitivité. Pour apaiser les tensions, la taxe a été élargie pour inclure le sucre blanc et les produits transformés localement.
Un déploiement prometteur mais incomplet
L’absence d’une campagne de sensibilisation massive a réduit l’impact initial de la taxe. Une meilleure communication sur ses objectifs et ses bénéfices aurait pu renforcer l’adhésion des citoyens et diminuer les résistances sociales.
Une stratégie intégrée pour maximiser l’efficacité
Pour devenir un véritable levier de transformation, cette taxe doit s’inscrire dans une stratégie globale. Plusieurs pistes sont envisageables :
- Renforcer l’éducation alimentaire : Sensibiliser les enfants dès l’école primaire aux dangers d’une alimentation déséquilibrée et leur proposer des alternatives saines.
- Encourager l’innovation industrielle : Offrir des incitations aux entreprises locales pour développer des produits moins sucrés, tout en valorisant ces efforts auprès des consommateurs.
- Soutenir les populations vulnérables : Mettre en place des subventions pour les produits sains ou des aides financières pour les ménages les plus touchés.
- Évaluer et ajuster la mesure : Suivre l’impact de la taxe sur la consommation, la santé publique et l’économie pour identifier les améliorations possibles.
Une mesure exemplaire mais perfectible
La taxe sur le sucre en Nouvelle-Calédonie est une initiative ambitieuse et nécessaire face à une crise sanitaire majeure. Si ses résultats à court terme doivent encore être démontrés, elle ouvre la voie à une réflexion plus large sur le rôle des politiques fiscales dans le changement des comportements alimentaires.
Cependant, son succès à long terme dépendra de sa capacité à réduire les inégalités sociales, à impliquer les acteurs économiques et à s’inscrire dans une stratégie globale. En réussissant ce pari, la Nouvelle-Calédonie pourrait devenir un modèle pour d’autres territoires confrontés aux mêmes défis. Elle prouverait que la fiscalité comportementale, bien conçue et accompagnée, peut transformer durablement les habitudes alimentaires et améliorer la qualité de vie des populations.
Sources :
FranceInfo – 04/05/2024 https://la1ere.francetvinfo.fr/nouvellecaledonie/la-taxe-sur-les-produits-sucres-affinee-au-congres-9-choses-a-signaler-1485389.html