Renforcer les taxes sur les produits sucrés : un outil au service de la prévention

Renforcer les taxes sur les produits sucrés pour une meilleure santé publique

Renforcer les taxes sur les produits sucrés : un outil au service de la prévention

Lors de l’examen du budget de la Sécurité sociale, les sénateurs ont décidé de multiplier par trois la taxe appliquée aux boissons les plus riches en sucre ajouté. Par ailleurs, ils ont également procédé à une augmentation de la taxe sur les édulcorants de synthèse, fréquemment utilisés par les industriels comme alternative au sucre.

Le sucre, omniprésent dans l’alimentation moderne, est devenu l’une des principales cibles des politiques de santé publique. En cause : son rôle dans l’explosion des maladies chroniques telles que l’obésité, le diabète de type 2 et les maladies cardiovasculaires, qui pèsent lourdement sur les systèmes de santé. La fiscalité apparaît comme un outil de choix pour réduire la consommation excessive de sucre, mais son efficacité et ses effets secondaires font débat.

Des succès documentés sur les taxes sur les produits sucrés

Les taxes sur les produits sucrés, souvent qualifiées de « fiscalité comportementale », visent un double objectif. D’une part, décourager la consommation de produits riches en sucres ajoutés par une hausse des prix. D’autre part, inciter les industriels à reformuler leurs produits pour réduire leur teneur en sucre.

Des exemples internationaux illustrent l’impact de ces mesures. Au Mexique, l’instauration en 2014 d’une taxe sur les boissons sucrées a entraîné une baisse immédiate des ventes de 7,6 %, un effet qui s’est maintenu dans le temps. Au Royaume-Uni, la « Soft Drinks Industry Levy », adoptée en 2018, a conduit à une réduction significative du sucre dans les boissons, avec plus de 50 % des produits reformulés en deux ans.

En France, la « taxe soda », mise en place en 2012 et révisée en 2018, a généré des effets similaires. Selon un rapport de la Commission des Affaires sociales, près d’un tiers des marques ont modifié leurs recettes pour échapper aux tranches de taxation les plus élevées. Cependant, ces succès sont à nuancer par des résultats variables selon les produits et les catégories de consommateurs.

Une mesure efficace mais controversée

Des bénéfices de santé publique difficiles à isoler

Si la fiscalité sur le sucre réduit la consommation des produits ciblés, son impact global sur la santé publique reste sujet à débat. Certains experts estiment que les consommateurs compensent la baisse des produits sucrés taxés en se tournant vers des alternatives tout aussi caloriques ou en augmentant leur consommation d’autres aliments. Cela limite l’effet escompté sur l’obésité et les pathologies associées.

Le cas du Chili est particulièrement révélateur. Malgré une fiscalité stricte sur les boissons sucrées et d’autres produits riches en sucre, le pays affiche toujours l’un des taux d’obésité les plus élevés au monde. Ce constat souligne que la fiscalité, bien qu’efficace pour modifier certains comportements, ne peut à elle seule inverser des dynamiques structurelles telles que la prévalence de la malbouffe ou les inégalités d’accès à des aliments sains.

Un poids disproportionné sur les ménages modestes

Les taxes sur le sucre sont souvent critiquées pour leur caractère régressif. En augmentant les prix des produits ciblés, elles touchent plus fortement les ménages aux revenus modestes, qui consacrent une part importante de leur budget alimentaire à des produits transformés. Ces ménages sont également les plus exposés à la surconsommation de sucre, notamment via des aliments bon marché à faible valeur nutritionnelle.

Pour ces populations, une fiscalité mal calibrée peut exacerber les inégalités alimentaires et réduire l’accessibilité économique à certains produits. Des solutions compensatoires, comme des chèques alimentaires dédiés à l’achat de produits sains, sont souvent proposées, mais elles restent peu mises en œuvre.

Des résistances fortes de l’industrie agroalimentaire

L’instauration de taxes sur le sucre suscite également des tensions avec les industriels, qui dénoncent une stigmatisation de leurs produits et un risque pour la compétitivité. En France, l’ANIA (Association Nationale des Industries Alimentaires) critique régulièrement ces mesures, qu’elle juge inefficaces pour répondre aux enjeux de santé publique tout en menaçant des milliers d’emplois.

Un autre point de friction réside dans le manque de concertation et de visibilité. Contrairement au Royaume-Uni, qui a laissé deux ans aux industriels pour s’adapter à sa taxe soda, la France a souvent agi dans l’urgence, limitant les capacités d’ajustement des fabricants. Pour éviter ces écueils, certains experts préconisent une approche progressive et incitative, associant les acteurs économiques à l’élaboration des politiques.

Vers une fiscalité plus ciblée et intégrée

Pour maximiser son efficacité, la fiscalité sur le sucre doit s’inscrire dans une stratégie globale de santé publique. Cela implique de mieux cibler les catégories de produits les plus problématiques, notamment ceux consommés massivement par les enfants, et d’accompagner ces mesures par des politiques éducatives et des campagnes de sensibilisation.

Par ailleurs, l’affectation des recettes fiscales est un levier essentiel pour renforcer l’acceptabilité sociale. En France, les revenus issus de la taxe soda, qui ont atteint 443 millions d’euros en 2023, pourraient être réinvestis dans des programmes de prévention ou des subventions pour des aliments sains, comme des fruits et légumes frais. Cette approche permettrait de concilier objectifs de santé publique et justice sociale.

Un équilibre délicat à trouver

La fiscalité sur le sucre, bien qu’imparfaite, reste un outil précieux pour orienter les comportements alimentaires et responsabiliser les industriels. Mais pour en faire un levier durable de santé publique, il est crucial de répondre aux critiques légitimes sur son impact social et économique. Une stratégie mieux intégrée, associant taxation, éducation et soutien aux consommateurs, pourrait permettre de relever le défi de la surconsommation de sucre tout en réduisant les inégalités alimentaires.

 

Sources :

Public Sénat – 21/11/2024 https://www.publicsenat.fr/actualites/sante/budget-de-la-secu-la-taxe-soda-fortement-revue-a-la-hausse-par-le-senat

Institut Montaigne –  06/11/2024 https://www.institutmontaigne.org/expressions/budget-2025-taxe-sucre-repenser-la-formule

Le Dauphine Libéré –  03/11/2024 https://www.ledauphine.com/economie/2024/11/03/taxe-produits-sucres-ca-ne-sera-pas-assez-significatif-pour-dissuader