Depuis les années 90, plusieurs institutions internationales à l’image de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) alertent l’opinion et les gouvernements sur les risques liés à une mauvaise alimentation et sur les coûts sanitaires liés à ces problèmes.
L’accès facilité, à vil prix et en grande quantité, à des aliments déséquilibrés sur le plan nutritionnel (trop gras, trop sucrés et trop salés), conjugué à une plus grande sédentarité, est à l’origine d’après l’OMS d’une « épidémie mondiale d’obésité » et du développement des maladies chroniques associées.
Durant les vingt dernières années, de nombreuses enquêtes nationales réalisées dans la plupart des pays du monde ont mis en évidence une consommation excessive de matières grasses et sucrées, mais insuffisante en fruits et légumes, et un accroissement de l’obésité. Or, ces facteurs ne diminuent pas seulement l’espérance de vie, ils nuisent aussi à la qualité de vie et ont un impact économique majeur.
Des coûts sanitaires et sociaux visibles
Selon les différents travaux réalisés par l’OMS et la FAO (Food and Agriculture Organisation), l’obésité augmente les risques de développer un diabète, une hypertension artérielle, une cardiopathie coronarienne, un accident vasculaire cérébral et certains types de cancer.
Dans son rapport sur la situation mondiale des maladies non transmissibles de 2014, l’OMS constate même qu’à l’échelle mondiale le nombre de cas d’obésité a presque doublé depuis 1980. En 2014, 10 % des hommes et 14 % des femmes âgées de 18 ans ou plus étaient obèses. Et en 2013, plus de 42 millions d’enfants de moins de 5 ans présentaient une surcharge pondérale. La prévalence du diabète au niveau mondial était alors estimée à 10 %.
De fait, depuis une soixantaine d’années, on a pu observer une forte croissance de la consommation journalière de sucre. Si l’apport énergétique en sucres ajoutés doit être inférieur à 10 % de l’ensemble de nos besoins énergétiques (soit 6 morceaux de sucre pour un adulte contre 3 pour un enfant), la population en consomme trop, notamment en raison du sucre dissimulé dans les aliments transformés ou ultra-transformés par l’industrie agroalimentaire. En 2014, la France arrivait, pour sa part, à la 33e place dans la consommation des boissons sucrées (Popkin et al.).
Mais l’obésité n’est pas le seul danger sanitaire dû à une consommation excessive de sucre. Il peut s’agir également de maladies ou symptômes simples à traiter (caries, aigreurs d’estomac), ou encore de maladies dangereuses, voire mortelles, telles que les maladies cardiovasculaires. Le sucre peut aussi faire monter les triglycérides et le cholestérol, favoriser le vieillissement prématuré de la peau et les pathologies oculaires. Enfin, les sucres blancs appauvrissent nos réserves en calcium, magnésium et chrome qui contribuent à prévenir le diabète. Ils participent donc à l’apparition du diabète de type 2.
Des coûts économiques certains, mais difficiles à évaluer
Si l’impact sur la santé d’une alimentation déséquilibrée ne fait plus guère de doute, l’évaluation du coût d’une telle consommation pour l’Assurance Maladie, et la société plus largement, est plus difficile à mesurer. Plusieurs études ont tenté d’éclairer ces aspects, en prenant en compte le coût de traitement des pathologies identifiées par l’OMS comme ayant un lien assez direct avec les troubles de l’alimentation.
Dans leur rapport de mission de 2008 sur « la pertinence et la faisabilité d’une taxation nutritionnelle », les parlementaires ont finalement estimé, avec l’Inspection générale des finances (IGF) et l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), que ce coût s’établissait au minimum entre 5 et 15 Md€ de dépenses de santé pour l’Assurance Maladie en 2003.
Une estimation jugée cependant très inférieure aux remboursements effectués par l’Assurance Maladie aux personnes en surpoids et obèses au titre des affections de longue durée et ayant un lien avec la nutrition (diabète, hypertension, maladies cardiovasculaires, maladies du foie et cancers). Par exemple, le surcoût médical du surpoids « à risques » (dont l’indice de masse corporel est supérieur ou égal à 27) est d’environ 648 euros par an et par personne (cf. Emery et al., Presse médicale, 2007).
Et puis il y a aussi des coûts plus difficilement quantifiables comme la baisse de productivité au travail, le risque de chômage accru, les difficultés sociales, la perte du bien-être, les disparitions prématurées. C’est donc dans ce contexte et assez naturellement que s’est posée la question d’un prélèvement fiscal sur les aliments trop gras, trop sucrés et trop salés, afin de modifier les comportements alimentaires des Français.