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Mettre en place une fiscalité « verte » efficace

Comment faire de la fiscalité pour qu’elle soit impactante ? Le cas de la fiscalité “verte”

Pour la parution de sa lettre numéro 3, l’Observatoire de la fiscalité comportementale a organisé un moment d’échange avec plusieurs parlementaires à l’Assemblée nationale sur le thème de la fiscalité environnementale et comment la rendre plus incitative. Le débat entre Laurent Cappelletti, professeur au Conservatoire National des Arts et Métiers et consultant chercheur chez Iseor, et Hubert Tondeur, titulaire de la chaire comptabilité et gouvernance au Cnam, et co-fondateur de Be Business Focus, a été riche et fut l’occasion de mieux cerner ce qu’est la fiscalité incitative au travers du prisme de la fiscalité “verte”. 

La question de l’environnement est aujourd’hui plus que jamais au cœur de nos préoccupations. Face aux enjeux environnementaux et socio-économiques qui se font toujours plus pressants, les gouvernements du monde entier sont nombreux à mettre en place des politiques fiscales visant à encourager les citoyens et les entreprises à adopter des comportements plus vertueux et respectueux de l’environnement. 

La France ne fait pas exception à ce mouvement général. Depuis les années 1990, elle a mis en place une fiscalité environnementale notamment avec la taxe sur les véhicules polluants. D’autres mesures ont par la suite été introduites, notamment en ce qui concerne les pollutions industrielles, agricoles et domestiques. Mais comme l’a illustré le mouvement des Gilets jaunes, l’acceptation de certaines mesures pour réduire notre empreinte carbone n’est pas toujours simple à obtenir.

Qu’est-ce que la fiscalité environnementale ?

La fiscalité “verte” occupe une place privilégiée et toujours croissante parmi les outils économiques dont disposent le législateur, mais elle reste difficile à définir dans ses contours. D’après Hubert Tondeur, “on peut la classifier en deux parties : une première qui serait paternaliste et dont l’objectif est de modifier le comportement des individus afin de corriger le manque d’information, la myopie du marché ou l’incapacité de l’individu à comprendre que ce qu’il a consommé est très mauvais pour lui”. 

C’est le cas, par exemple, des taxes sur le tabac ou plus récemment sur les produits trop sucrés. En parallèle de ça, précise Hubert Tondeur, “on a une fiscalité comportementale qui serait plutôt celle de la maximisation du bonheur social ou du bien être social qui, elle, va viser à corriger les défaillances du marché. C’est peut-être là où on serait le plus dans la fiscalité environnementale”.

La fiscalité peut par ailleurs être incitative ou au contraire coercitive, comme le rappelle le co-fondateur de Be Business Focus, “toute la fiscalité, et tout l’enjeu de la fiscalité verte, c’est qu’elle soit coercitive pour empêcher de consommer ou incitative pour conduire à une certaine consommation. Mais cette fiscalité s’adresse, comme toute fiscalité, à deux parties : le consommateur et l’entrepreneur.” Dès lors se pose la question de savoir si cette fiscalité ne conduit pas un certain nombre de personnes ou de ménages à être exclus du marché ?

Une fiscalité comportementale pour quels résultats ?

En termes de bilan, l’observation de terrain sur une vingtaine d’années qu’a pu réaliser Laurent Cappelletti sur le territoire de Mauguio Carnon et du pays de l’Or, apparaît ici d’autant plus précieuse. Il le rappelle, “le but de la fiscalité verte n’est pas de maximiser les ressources pour le budget de l’État, donc la fabrique d’une bonne fiscalité environnementale rejoint complètement la logique de construction d’une norme puisqu’une bonne norme permet d’orienter les comportements”.

Or la première chose à retenir selon ce dernier, c’est qu’il ne faut pas que “la cause du problème écologique à traiter soit structurelle mais comportementale.” C’est pourtant le cas avec de nombreuses ZFE (zone à faible émission de carbone) estime Laurent Cappelletti. “Dans bien des cas, en effet, constate ce dernier, on a un problème de structure, c’est-à-dire un problème de manque de transport puisque dans bien des situations, il n’y a pas d’alternative proposée à la voiture individuelle”. 

Et le professeur au Cnam de rappeler, à l’instar du mouvement des Gilets jaunes, que si l’on met en place “une taxe comportementale alors que la cause profonde est structurelle, on est sûr de créer une rébellion. Et en plus, on ne traitera pas le problème !”

Au total, Laurent Cappelletti juge aujourd’hui indispensable de réaliser systématiquement le bilan “coûts-avantages” ainsi que “qualitatif, quantitatif et financier” des mesures fiscales comportementales, tout en se posant la question des “coûts-performances cachés, c’est-à-dire quels sont les gains environnementaux réels d’une mesure, est-elle socialement acceptable et économiquement viable, c’est-à dire vérifier que la mesure ne coûte pas plus chère que sa mise en oeuvre.”

Profitant de la présence de plusieurs membres de la commission des finances dont Mohamed Laqhila, Didier Rambaud et Xavier Roseren, ainsi que les députés Eleonore Caroit (représentée par Leslie Valloir), Philippe Fait, Lisa Belluco (représentée par Anne-Claire Gallais), Cyrille Isaac-Sibille et Patrick Vignal, Hubert Tondeur et Laurent Cappelletti ont poursuivi le débat avec l’auditoire ce qui n’a pas manqué d’enrichir les échanges avec leurs points de vue et leurs questions sur le thème de la fiscalité comportementale vue à travers le prisme de la fiscalité environnementale.