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Fiscalité sur les cosmétiques : un exemple d’arme géo-politique

politique

Durant les cinq dernières années, les droits douaniers ont retrouvé pleinement leur rôle : être une arme géo-politique et pas seulement une mesure de protectionnisme économique. Les produits cosmétiques sont régulièrement pris en otage dans les conflits politiques entre pays.

Par définition, un droit de douane s’applique sur un produit importé dans un pays. Il permet de piloter la concurrence des entreprises étrangères dans l’économie du pays concerné. Dans la théorie économique, les droits douaniers correspondent donc à un outil de protection du tissu économique afin de lui permettre de se développer et d’être compétitif en termes de prix. À l’échelle du commerce international, ils permettent à des économies naissantes de résister face aux pays développés, qui ont plusieurs longueurs d’avance et qui ont déjà amorti une partie des coûts de fabrication. L’objectif est en effet de rendre plus cher le produit importé.

Droits de douane : une arme contre la taxe GAFA

Les droits de douane sont aussi un outil politique, qui montre que la politique douanière peut être vue comme une fiscalité comportementale. En ciblant certains types de produits, ils peuvent détourner les consommateurs de leur acte d’achat initial. Début 2019, les produits cosmétiques fabriqués en France et dans l’Union européenne en ont fait l’amère expérience. Mécontents que la France et l’Union européenne puissent mettre en place une taxe dite GAFA (Google, Apple, Facebook et Amazon), les États-Unis ont envisagé de relever leurs droits douaniers sur des produits où le savoir-faire français est fortement valorisé. Parmi eux, les produits de maquillage, les savons et crèmes lavantes.

La décision n’a pas dépassé le seuil de la menace pour ce qui concerne les cosmétiques, grâce à une période de « gel » qui a permis de négocier. Par contre, pour le vin et les avions, des hausses de 25 % et 10 % ont été appliquées. Et le changement à la tête de l’exécutif américain a enterré tout risque de hausses des droits de douane. Si cela avait été le cas, le secteur aurait été immédiatement impacté. En effet, le marché américain constitue la deuxième zone d’exportation des cosmétiques. Au moment où ces mesures de rétorsion étaient étudiées, leur impact pouvait s’appliquer sur un chiffre d’affaires de 1,5 milliard d’euros.

Un marché mondial de plus de 350 milliards d’euros

D’autres pays ont connu ce type de rétorsions. Pékin n’a pas hésité à mettre en place un boycott de produits sud-coréens. Une pratique qui n’est plus d’actualité depuis 2017. Une autre manière de bloquer l’arrivée de produits consiste à opérer des contrôles aux frontières. Lors du Brexit, Européens et Britanniques ont montré comment la manière de remplir un formulaire de douane et de le contrôler pouvait réduire la circulation des produits. Et il existe un dernier levier d’action : établir des normes. L’Union européenne protège son marché intérieur par ce moyen. Elle impose des règles identiques à tous les produits. Si elles ne sont pas respectées, le produit ne peut pas être autorisé à la vente. Pour les cosmétiques, il s’agit de fixer les ingrédients pouvant être utilisés, ou non, dans chaque produit mis sur le marché.

L’ensemble de ces pratiques est rendu possible car les cosmétiques représentent un marché mondial colossal, mêlant enjeux économiques et d’influence : 67 milliards d’euros aux États-Unis, 79 milliards d’euros dans l’Union européenne, 48 milliards d’euros en Chine, 29 milliards d’euros au Japon, etc. Tout mis bout à bout, le marché mondial dépasse donc les 350 milliards d’euros. Ce sont là d’énormes enjeux commerciaux. Et la France se positionne comme son leader mondial. Selon la FEBEA, en février 2022, ses exportations de produits cosmétiques dans le monde ont représenté 16,2 milliards d’euros et 5,7 milliards d’euros pour l’Espace économique européen.