La fiscalité énergétique : un levier incontournable pour la transition écologique et sociale
Face à l’urgence climatique, la fiscalité énergétique en France est sous les projecteurs. Dans son rapport de septembre 2024, la Cour des comptes appelle à une refonte ambitieuse et cohérente. Son rôle est crucial pour atteindre les objectifs climatiques. Mais cet outil soulève des défis complexes : justice sociale, acceptabilité politique et efficacité économique.
Une fiscalité énergétique à double finalité
D’abord pensée comme un outil de rendement fiscal, la fiscalité énergétique a rapporté 60 milliards d’euros en 2021, soit 1,82 % du PIB. Progressivement, elle a intégré une dimension incitative. Depuis l’introduction de la composante carbone en 2014, son objectif est d’inciter ménages et entreprises à réduire leur consommation d’énergies fossiles.
Mais son évolution reste incomplète. Le gel de la composante carbone en 2018, suite aux manifestations des Gilets jaunes, a révélé sa fragilité politique et la difficulté d’assurer son acceptabilité sociale.
Les limites d’un système fiscal déséquilibré
Une répartition inégale
La fiscalité énergétique française présente de fortes disparités. Les carburants, principaux émetteurs de CO₂, sont les plus taxés. D’autres sources, comme le gaz ou le fioul domestique, bénéficient de régimes plus favorables. Ce déséquilibre limite l’efficacité de la taxation et ne reflète pas toujours l’impact environnemental des énergies.
Les ménages modestes sont les plus touchés. En 2022, l’énergie représentait 9,5 % des dépenses des foyers, soit 3 551 euros en moyenne par an. Les taxes énergétiques pèsent 3,9 % du revenu des plus modestes, contre 1,1 % pour les plus riches, révélant une fiscalité régressive.
Un outil mal aligné sur les objectifs climatiques
Malgré son potentiel, la fiscalité énergétique reste mal intégrée aux politiques stratégiques. La Cour des comptes pointe un manque de clarté sur son rôle dans l’atteinte de la neutralité carbone d’ici 2050.
De plus, l’érosion des bases taxables complique la transition. La baisse de consommation des carburants fossiles et l’essor des véhicules électriques pourraient réduire les recettes fiscales de 13 milliards d’euros d’ici 2030, compliquant le financement de la transition.
Les défis d’une réforme énergétique ambitieuse
Garantir l’acceptabilité sociale
Le rejet de la taxe carbone en 2018 a montré la nécessité d’une réforme plus équitable. Pour limiter l’impact sur les ménages modestes, des compensations sont essentielles. L’élargissement des chèques énergie et des aides à la rénovation énergétique pourrait renforcer l’adhésion des citoyens.
Harmoniser la fiscalité énergétique au niveau européen
La révision de la directive européenne sur la taxation de l’énergie impose une refonte fiscale. L’objectif est d’aligner les taxes sur le contenu carbone des énergies et de supprimer les tarifs réduits incohérents. Une harmonisation européenne permettrait aussi de lutter contre le commerce parallèle aux frontières.
Préparer une transition environnementale durable
La transition énergétique exige des investissements massifs dans les infrastructures vertes. Énergies renouvelables, transports durables et rénovation thermique nécessitent des ressources financières conséquentes. Une fiscalité bien calibrée pourrait financer ces transformations. Mais une transparence accrue sur l’usage des recettes fiscales est essentielle pour restaurer la confiance des citoyens.
Vers une fiscalité énergétique cohérente et juste
Pour faire de la fiscalité énergétique un levier efficace, plusieurs pistes doivent être explorées :
- Aligner la fiscalité sur les objectifs climatiques en harmonisant les taxes selon l’empreinte carbone des énergies.
- Reprendre la hausse progressive de la taxe carbone pour encourager la réduction des émissions.
- Réduire les disparités fiscales en appliquant des taxes équitables sur toutes les énergies fossiles.
- Garantir la justice sociale avec des aides ciblées pour les ménages modestes et la rénovation énergétique.
- Affecter les recettes fiscales à la transition en finançant les transports durables et les énergies renouvelables.
- Harmoniser au niveau européen pour éviter les distorsions et le commerce parallèle.
- Anticiper l’érosion des bases fiscales en diversifiant les ressources de financement.
Une réforme nécessaire pour relever les défis climatiques
La fiscalité énergétique reste un outil essentiel pour orienter les comportements et financer la transition écologique. Son efficacité repose sur sa capacité à concilier justice sociale, acceptabilité politique et efficacité économique. Une réforme ambitieuse, alliant transparence et cohérence, pourrait transformer cet outil fiscal en moteur de la transition énergétique. Elle permettrait aussi de rassembler les citoyens autour d’un objectif commun : protéger notre avenir climatique.
Sources :
MerciPourL’info- 10/09/2024 https://www.mercipourlinfo.fr/actualites/environnement/electricite-gaz-carburant-la-fiscalite-sur-lenergie-va-t-elle-augmenter-1103458
CDE – 09/09/2024 https://www.connaissancedesenergies.org/fiscalite-de-lenergie-la-cour-des-comptes-alerte-sur-les-choix-structurants-faire-241104
OCDE – https://www.oecd.org/fr/data/indicators/environmental-tax.html