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Benchmark de la fiscalité comportementale

fiscalité

La fiscalité comportementale s’applique dans tous les pays européens. Les modes de consommation visés sont souvent les mêmes, mais les niveaux d’imposition affichent d’importants écarts.

Comme le souligne l’Institut de recherches économiques et fiscales (IREF) dans une étude parue en mai 2021, les premières taxes comportementales remontent à la naissance de l’impôt, ou presque. Mais contrairement à celles d’aujourd’hui, elles n’avaient pas pour objectif de réduire une consommation de sel, de vin, de bière ou de whisky. Il s’agissait plutôt d’étendre largement l’impôt pour permettre à l’État de percevoir le maximum de recettes fiscales afin de couvrir ses dépenses : le train de vie du pouvoir et surtout le coût des guerres pendant de nombreux siècles. Ainsi, elles s’appliquent autant sur la production et le transport que sur la distribution et la vente. En cela, quel que soit le pays, ces modalités d’application ont dessiné celles qui prévalent actuellement.

De la guerre à la vertu

L’avantage de taxer un comportement de consommation est qu’il est aisé d’en évaluer et surveiller l’évolution. Mais pour que les montants prélevés restent acceptés, le législateur se doit d’en justifier l’usage. Si la guerre a longtemps été un bon argument, l’adhésion de la population s’est réduite car les conflits majeurs se sont éloignés du sol européen. Il faut alors trouver une nouvelle justification aux taxes. Aujourd’hui, à la faveur de la santé publique et de la protection de la planète, la fiscalité comportementale s’inscrit dans de nombreuses politiques publiques. « Cet engouement assez récent est lié à l’élévation générale du niveau des prélèvements obligatoires : la fiscalité, pour être encore acceptée, doit sans doute se parer de nouvelles vertus » souligne Pierre-Yves Cusset dans son ouvrage « Taxes comportementales : les nouvelles frontières de la fiscalité ? », paru aux Éditions Eyrolles en 2014.

Dans son étude « fiscalité comportementale », l’IREF met en avant les travaux de Christopher Snowdon, directeur de la division économie des modes de vie à l’Institute of Economic Affairs (IEA, Londres). Ces derniers montrent que « l’État-moralisateur est extrêmement prolifique » et que la législation s’avère de moins en moins accommodante avec les comportements dits « à vice ». Le chercheur parle même de surenchère réglementaire entre les États européens chez qui « les forces favorables à un contrôle plus strict des comportements jugés néfastes à la santé ne rencontrent presque pas de résistance de la part des politiques ». Et cette volonté va bien au-delà de l’usage de la fiscalité.

Cibler les comportements contraires à la santé publique

En attendant, les pays européens semblent avoir pris très vite et très fort ce virage de la vertu. Cela tient aux directives de l’Union européenne qui visent à homogénéiser les pratiques, ou, à défaut, proposer un cadre minimal convergeant. Mais pas seulement. Cela semble être une marque culturelle et sociétale. Depuis 2016, l’Institut économique Molinari a créé un indicateur des États européens moralisateurs. Lors de sa dernière édition, qui remonte à 2019, la Finlande occupait la première place des États incitant à la mise en place de cadres législatifs pour réglementer des aspects de la vie privée des citoyens, et tout particulièrement le tabac, l’alimentation ou les boissons. La seconde place est occupée par la Lituanie et la troisième par l’Estonie. La France se trouve au dixième rang (après avoir démarré le classement à la 6e place) et l’Allemagne au dernier, c’est-à-dire 28e.

Ce classement montre une forte différence entre les États qui restent souverains en matière fiscale. Cette différence porte autant sur la nature et l’esprit de l’imposition appliquée, que sur le taux de taxation choisi. Toutefois, ils peuvent se mettre d’accord sur des seuils minimaux pour limiter les phénomènes de concurrence fiscale comme sur le tabac : un droit d’accise d’au moins 90 euros par 1 000 cigarettes et d’au moins 60 % du prix moyen pondéré de vente au détail. Ils peuvent aussi convenir d’objectifs communs. C’est le cas pour les politiques environnementales avec, par exemple, la neutralité carbone en 2050. Mais chaque État applique une fiscalité différente sur la consommation d’alcool, les énergies fossiles, les graisses, le sucre, etc.

En réalité, chaque État avance comme il l’entend, ou plutôt comme il le peut, en composant avec le niveau d’acceptation de son opinion publique. De fait, du nord au sud de l’Europe, les cultures diffèrent et pèsent sur les seuils d’acceptabilité de la fiscalité comportementale. Une logique qui n’est pas spécifique à l’Union européenne puisqu’on la retrouve sur l’ensemble des pays développés, quel que soit le continent. On peut citer les États-Unis ou le Japon.