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Fiscalité incitative : de quoi parle-t-on ?

Les États poursuivent trois buts centraux avec les impôts et les taxes : réguler l’activité économique, redistribuer les revenus et les patrimoines et corriger les dysfonctionnements des marchés. La fiscalité incitative s’inscrit dans cette démarche, tout en cherchant à transformer les comportements.

La fiscalité comportementale vise à faire évoluer les usages, en appliquant le plus souvent une taxation répressive (lire la lettre n°1). L’idée est d’encourager le citoyen à modifier son mode de vie actuel pour en adopter un nouveau. Plus précisément, « le comportement d’un agent économique a des « externalités négatives » lorsqu’il entraîne des dommages pour d’autres agents dont il ne supporte pas le coût, comme l’explique l’économiste François Ecalle, ancien magistrat de la Cour des comptes et Président de l’association Fipeco. La taxation est économiquement justifiée pour limiter ces comportements préjudiciables ». Cette approche se retrouve avec le tabac, l’alcool, la sécurité routière, etc. Les mauvais comportements qui ont un impact sur les autres sont donc visés.

Laisser le choix et la liberté d’entreprendre

La fiscalité incitative porte les mêmes objectifs de transformation des comportements avant d’être un levier pour capter des recettes fiscales. On peut donc parler de termes synonymes. Mais la richesse de la langue française apporte une nuance sémantique que l’on trouve dans les dispositifs fiscaux. Ainsi, le terme de fiscalité comportementale va plutôt être employé pour les ménages et celui de fiscalité incitative ou d’incitation fiscale pour les entreprises

Cela permet d’appuyer plus ou moins fortement sur la notion de liberté de choix et le fait de devoir assumer un surcoût si l’on ne respecte pas la règle. On peut ainsi comprendre que l’utilisation de l’incitation fiscale montre un état d’esprit moins répressif axé sur la prise de conscience et la mise en responsabilité de l’acteur économique, quand bien même la finalité reste alignée avec celle de la fiscalité comportementale. Car, quelle que soit la mesure prise par le législateur, celle-ci doit être constitutionnelle et respecter le principe d’égalité.

L’ajustement des incitations fiscales au cœur des débats de la loi de Finances 2023

Cette distinction se traduit de manière très concrète. Les incitations fiscales ont pour point commun d’encourager la création d’entreprises, l’innovation ou encore la lutte contre le réchauffement climatique. Dans la discussion du projet de Loi de finances 2023, la commission des finances du Sénat a voté un amendement sur l’article 8 dans lequel elle précise : « afin d’accélérer l’indispensable transition écologique du transport maritime et le renouvellement de la flotte de navire dans le sens de l’adoption de solutions de propulsions plus respectueuses de l’environnement, il est utile de renforcer les incitations à l’adoption de dispositifs de propulsion auxiliaire totalement décarbonés, au premier rang desquelles la propulsion vélique ». Pour cela, elle suggère que le taux de déduction actuel pour le suramortissement de 20 % passe à 105 % pour les entreprises qui utilisent des navires ou des bateaux avec des propulsions totalement décarbonées. 

Autre exemple en débat dans le cadre budgétaire de cet automne 2022, la même commission des finances du Sénat propose d’ajuster les incitations fiscales appliquées aux biocarburants, en retirant de la liste des huiles admises celles de soja et de palme (PFAD).

Vers une fiscalité plus incitative que punitive ?

Sur la fiscalité incitative, le Sénat se montre prolixe. En marge des discussions sur le budget 2023, il publiait un rapport le 5 octobre dernier, dans lequel il appelle à changer de méthode pour encourager les comportements vertueux : mettre en place une fiscalité plus incitative et moins punitive, n’hésitant pas à pointer une conception pouvant parfois se révéler exagérément punitive et entraîner la contestation des agents économiques, notamment pour la fiscalité verte (lire page xx).

De son côté, François Ecalle souligne que l’efficacité de l’incitation fiscale bute contre des problèmes d’évaluation, avant la mise en place d’un dispositif et durant son application. « Dans ces cas-là, il vaut mieux quand même s’abstenir plutôt que de multiplier les taxes, même avec quand elles ont de bons objectifs. Il est préférable de stabiliser le paysage fiscal. »