Rechercher
Fermer ce champ de recherche.

Boissons sucrées : une législation toujours plus punitive ?

Boissons sucrées

Fin 2011, alors que le développement de l’obésité touche le monde entier, la France met en place un prélèvement spécifique sur les boissons sucrées. Ce dispositif fiscal a beaucoup évolué depuis.

Sous la présidence de Nicolas Sarkozy, un dispositif fiscal inédit sous forme de taxe nutritionnelle baptisée « taxe soda » a été mis en place sur les boissons contenant des sucres ajoutés, quelle qu’en soit la quantité, ainsi que sur les boissons contenant des édulcorants de synthèse (de type boissons light) et celles enrichies en caféine (à partir de 0,22 g par litre). Ces taxes sont à la charge des professionnels qui fabriquent, importent ou fournissent, même gratuitement, ces produits à leurs clients (bar, restaurant, commerce de détail, etc.).

Comme souvent en matière de fiscalité comportementale, cette contribution avait pour objectif premier d’augmenter le prix des produits sucrés et de changer les habitudes de consommation des Français en les orientant vers d’autres types de boissons moins nocives pour leur santé.

Revue plusieurs fois à la hausse depuis sa création, cette taxe est toutefois demeurée assez faible, ne s’élevant qu’à 7,53 € par hectolitre en 2016 pour les boissons sucrées et édulcorées (soit 0,75 € le litre), et à 102,61 € par hectolitre pour les boissons énergisantes. Il s’agissait de taxer tous les fabricants, sans tenir compte de l’exacte teneur en sucre de leurs produits. Acquittée pour l’essentiel par trois entreprises (Coca-Cola, Orangina Schweppes et Pepsi), elle a rapporté 288 millions d’euros à la Sécurité sociale en 2013.

Des incidences prix rapidement observables

Dès 2014, une mission du Sénat a tenté de mesurer l’impact de ces mesures fiscales et a constaté que cette taxe a eu d’importants effets sur le marché des boissons rafraîchissantes sans alcool et des jus de fruits. Et comme prévu, cette taxe a d’abord été répercutée sur les prix de vente au détail des boissons concernées.

Les études de marché (cf. Berardi, Sevestre, Tepaut et Vigneron, The impact of a soda tax on prices, evidence from french micro data, Banque de France, Documents de travail n° 145, 2016) semblent cependant indiquer que ce transfert ne s’est pas réalisé de façon homogène : les tarifs des produits « premier prix » ont en effet augmenté de 25 % et ceux des marques distributeurs de 10 %, tandis que les tarifs des marques nationales n’ont crû que de 4 à 9 % dans le même temps. Les produits de « bas et milieu de gamme » ayant des marges très limitées, leurs producteurs ont donc été obligés de répercuter l’intégralité de la hausse de taxes afin de préserver leurs marges. Cette taxe a d’ailleurs accru les tensions entre industriels et distributeurs. Elle a contraint les uns et les autres à prendre sur leurs marges.

Des effets difficilement mesurables sur la consommation

En réduisant les écarts de prix entre les gammes de produits, la taxe soda a modifié leurs parts de marché respectives au bénéfice des produits de marques. Les marques distributeurs auraient ainsi perdu, d’après les fabricants, 12,7 millions d’euros de chiffre d’affaires entre janvier et août 2013 alors que les marques proprement dites ont gagné des parts de marché. À noter que pour contourner la réglementation, certains producteurs de soda ont pratiqué la « réduflation », c’est-à-dire la baisse des quantités tout en maintenant les prix à l’identique.

L’impact de la taxe sur les ventes de boissons sucrées semble toutefois assez faible, avec une baisse des ventes de l’ensemble des boissons concernées (sodas, nectars de fruits, tonics, limonades, etc.) d’environ 3 % en 2016. Ce repli des ventes a certes mis un terme définitif à plusieurs années de croissance continue, mais reste difficilement quantifiable. La réduction des dépenses des ménages dans l’alimentation pouvant expliquer une partie de ce retournement de tendance.

Une taxe désormais modulée selon la teneur en sucre de la boisson

Il faut attendre 2018 et la présidence d’Emmanuel Macron pour que le législateur décide de revenir en profondeur sur ce dispositif fiscal afin de le rendre plus cohérent avec ses objectifs initiaux de santé publique. Ainsi, modifiée dans le cadre de la loi de finances de la Sécurité sociale pour 2018, la taxe soda est désormais modulée selon la teneur en sucre dans la boisson et augmente donc en fonction du taux de sucre présent.

Les résultats ne se sont pas fait attendre. Mise en œuvre au 1er juillet 2018, la taxe soda « nouvelle génération » aurait incité les producteurs à réduire la quantité de sucre jusqu’à 70 % dans certaines boissons, comme l’indiquait à la presse dès le mois de septembre le rapporteur général de la commission des Affaires sociales à l’Assemblée d’alors, Olivier Véran. La boisson « Sprite » est en effet passée de 6,6 grammes de sucre pour 100 ml à 2 grammes, soit une baisse de plus de 70 %. De même pour Schweppes et Ice Tea, qui ont réduit leur taux de sucre de 40 %, ou encore Seven Up et Fanta, qui l’ont baissé de 30 %.

Contrairement à 2012, où aucune évaluation n’avait été prévue lors de l’adoption du projet de loi de finances, une mesure de l’impact de cette taxe soda « nouvelle génération » sur la diversification de l’offre, sur les ventes et les choix alimentaires a été actée (cf. Programme national nutrition santé 2019-2023). En parallèle, des travaux de recherche sont également menés sur la demande et les niveaux de consommation des ménages. Si l’efficacité de cette nouvelle version de la taxe soda est avérée, les recettes fiscales devraient être stables, voire diminuer, puisque les fabricants auront réduit la quantité de sucres ajoutés.